Les drones pliables, les caméras 4K de poche et les réseaux sociaux ont démocratisé le métier de vidéaste-nomade. Pourtant, la liberté de filmer n’est pas la même partout : certaines destinations déroulent le tapis rouge, d’autres imposent des licences coûteuses, des censures ou des amendes salées pour un simple plan au crépuscule. Tour d’horizon des pays qui accueillent à bras ouverts la creation video… et de ceux où il vaut mieux ranger le stabilisateur au fond du sac.
1. Les paradis des créateurs : visas, licences et bureaux de tournée
Portugal : le visa digital-nomad qui ouvre aussi les studios
Lisbonne et Porto attirent depuis 2024 une vague de vidéastes freelances grâce au visa D8 : un revenu distant de 3 040 € brut mensuel suffit pour vivre et travailler jusqu’à deux ans, avec accès aux subventions du Centre national du cinéma pour les projets courts .
Géorgie : un an de tournage sans paperasse
Le programme « Remotely from Georgia » accepte quiconque justifie 2 000 $ mensuels ou 24 000 $ d’économies. Hormis l’enregistrement en ligne, aucune taxe locale n’est due la première année, un ultra-grand-angle sur le Caucase compris .
Dubaï et les Émirats : licence oui, mais visibilité XXL
Le gouvernement a légalisé l’influence commerciale : une UAE Influencer License coûte ± 1 000 € par an et inclut un « golden visa » freelance de deux ans. En échange, accès simplifié aux lieux publics et partenariats payés en dirhams, très appréciés des vloggers high-tech .
Corée du Sud : le visa Hallyu pour transformer les fans en créateurs
Séoul délivre depuis 2023 un visa « K-Culture » jusqu’à deux ans pour toute personne inscrite dans une école de production audiovisuelle. Idéal pour filmer des clips de danse à Hongdae ou couvrir la K-Food sans limite de récidive .
2. Les « zones grises » : accueillantes, mais exigeantes
Bali (Indonésie) : paradis… tant qu’on respecte les temples
Un tournage est généralement toléré, mais gare aux dérapages : un influenceur russe qui s’était assis sur la balustrade d’un sanctuaire a été expulsé manu militari en 2024 . Conseil : demander la bénédiction du banjar (autorité locale) et éviter les drones au-dessus des offrandes.
Thaïlande : paperasse drone XXL
Le pays reste iconique pour les couchers de soleil, mais chaque drone doit être assuré, immatriculé auprès de la CAAT et de la NBTC, puis validé par le ministère de la Défense ; comptez un mois de délai et 3 000 ฿ d’assurance. Sans ces trois tampons, le matériel peut être saisi à l’aéroport .
3. Les enfers du contenu : censure, amendes et saisies
Iran : likes interdits, VPN traqués
Depuis 2024, les autorités réclament une « licence de cyber-activité » pour toute vidéo monétisée ; les comptes non enregistrés sont bloqués et les passeports confisqués à la sortie du territoire. Plusieurs créatrices ont reçu des peines avec sursis pour « propagande visuelle » .
Corée du Nord : fenêtre étroite, script imposé
Les agences comme Koryo Tours autorisent bien la prise de vue, mais uniquement sous escorte : pas de plan de checkpoint, pas de micro-quartier « sensible ». Les cartes SD sont contrôlées chaque soir ; un plan jugé « négatif » est effacé .
Autres pièges fréquents
- Algérie, Égypte : permis de tournage obligatoire, même pour un vlog.
- Turkménistan : smartphones confisqués à la frontière si le douanier suspecte un micro-film.
- Chine : la loi PIPL 2021 interdit toute diffusion montrant des « infrastructures stratégiques » ; un travel-vlog trop enthousiaste peut disparaître de WeChat en dix minutes.
4. Pourquoi ces écarts de traitement ?
- Soft-power : Portugal, Géorgie ou Corée comprennent qu’une famille de vloggers vaut un spot TV.
- Contrôle de l’image nationale : Iran ou Chine craignent que des créateurs non triés révèlent des failles sociales.
- Saturation touristique : Bali ou Thaïlande serrent la vis pour éviter le sur-vol et la pollution sonore.
- Monétisation locale : les Émirats encadrent par une licence afin de taxer et professionnaliser le secteur.
5. Combien gagne-t-on vraiment dans ces « paradis » ?
Destination | Revenus moyens d’un vlog de 100 000 vues* | Coût d’un permis/licence | Délai d’obtention |
Dubaï | 400 € (sponsoring luxe) | 1 000 € / an | 2 sem. |
Portugal | 180 € (Adsense + café sponsor) | 0 € (visa D8 suffit) | 2 mois |
Géorgie | 150 € | 0 € | 10 jours |
Séoul | 250 € + placements K-Beauty | 50 € annuel (carte résident) | 1 mois |
*estimation moyenne YouTube + placements en 2025.
6. Checklist pour un tournage serein
- Visa/Permis – vérifiez si votre pays propose un « digital-nomad », un visa créatif, ou une simple exemption touristique.
- Drone – assurance, enregistrement, zones NFZ téléchargées dans l’appli.
- Audio/vidéo – stockez vos rushes sur deux SSD ; prévoyez un plan B hors ligne si le cloud est bloqué.
- Formats – filmez en H.265 10-bits ; encodez en H.264 fallback. Les parcs nationaux exigent parfois des proxy low-res.
- Sauvegardes légales – numérisez vos autorisations en PDF ; rangez-les dans le même dossier que vos passeports.
7. Stratégies pour vivre (et filmer) dans les « zones grises »
- Partenariat local : un producteur thaï ou un guide balinais crédible rassure les officiels.
- Low-profile gear : une caméra 1-inch sur gimbal attire moins qu’un rig cinema.
- « Respect first » : inclure la culture dans le scénario, citer les sources (guides, offices) en description, et demander un retour avant publication ; beaucoup de censure tombe quand on montre le produit fini aux autorités.
8. Le mot de la fin
Choisir sa destination n’est plus seulement une question de plages ou de wifi : pour les créateurs vidéo, c’est aussi une affaire de visas, de licences, de drones et de liberté éditoriale. Les pays qui l’ont compris – Portugal, Géorgie, Émirats, Corée – transforment les Youtubeuses et les Tiktokeurs en ambassadeurs touristiques gratuits. Les États qui verrouillent l’image nation se privent d’un écosystème millionnaire et, parfois, alimentent une réputation d’opacité. Si votre projet de creation video vise la sérénité, misez sur les destinations qui misent sur vous : vous y gagnerez du temps, de l’argent, et un feed sans coupure.